Le partage du ciel
La végétation prend un nouveau départ : les opérations liées au suivi et au contrôle de la
croissance des végétaux s’annoncent nombreuses (Agriculture, sylviculture, élagage, …). Le télépilote
que je suis va intervenir plus fréquemment dans les secteurs non habités, du moins en apparence ….
S’éloigner des agglomérations et zones peuplées signifie diminuer le risque lié aux tiers, mais
qu’en est-il vis-à-vis de la faune sauvage, et plus particulièrement des oiseaux avec qui nous
partageons le ciel ?
Quand la Règlementation s’efface au profit du Discernement
La réglementation associée aux vols de drones dans les espaces naturels (protégés ou non) est
présentée dans les Guides sur les catégories ouvertes et spécifiques édités par la DGAC [1,2]. Afin de
compléter l’information qui y est délivrée, il est possible de s’appuyer sur le webinaire « Les vols de
drones en espaces naturels » [3], issu de la collaboration entre la LPO, le Parc National des Pyrénées et
Clearance, et qui aborde, en plus des textes réglementaires en vigueur, les interactions entre les drones
et la faune sauvage.
Une fois identifié l’espace naturel dans lequel notre drone va évoluer, et dans 75% des cas
environ il n’y a aucune restriction concernant la faune sauvage, la prudence et les bonnes pratiques à
adopter sont nos meilleures alliées pour minimiser les effets des vols de drone sur les oiseaux
(collisions, attaques, stress, abandon de nid, …). En effet, la survenance d’une situation conflictuelle
avec une espèce est souvent totalement fortuite, elle dépendra de différents facteurs comme la
saisonnalité (migration, nidification), l’activité de l’oiseau au moment de la rencontre (repos, chasse,
repas, …). Quel que soit le statut de l’espace naturel dans lequel le vol a lieu, il peut toujours y avoir
des conséquences sur la faune !
Des comportements différenciés selon l’espèce
Lors d’une inspection du réseau de distribution électrique, j’avais identifié un faucon crécerelle
évoluant au-dessus de mon site d’opération, traçant de larges cercles en plané, sans me donner
l’impression que mon drone l’intéressait.
Cependant les cercles dans le ciel se sont resserrés et soudainement le rapace a pris la direction
de ce qu’il avait certainement identifié comme un intrus dans son territoire. Il a fait plusieurs passages
d’intimidation, ce qui m’a juste laissé le temps de rapprocher le drone de ma position pour le faire
atterrir. Le faucon est cependant resté agressif envers sa cible au sol et il a fallu de grands gestes
accompagnés de cris de ma part pour le faire renoncer. Je devais ressembler à un héron …
En effet, le héron, au comportement habituellement placide et silencieux, va bien évidemment
défendre son territoire et sa progéniture avec fermeté et détermination, quand le besoin s’en fait sentir.
Et c’est la différence entre ces attitudes qui surprend le télépilote responsable du dérangement.
L’envergure de l’animal avoisine 1,50m à 2m, ce qui est bien supérieur à bon nombre de drones
employés en opération, et si on y ajoute un vol saccadé autour du drone, accompagné de cris stridents,
la surprise est de taille. Ce comportement hostile du héron va durer jusqu’au départ de l’intrus.
Beaucoup plus impressionnant qu’un vol de pigeons du fait de l’envergure et des cris de
l’animal, il apparait évident que la meilleure des solutions est de faire machine arrière.
Plus fréquemment, évoluer dans la campagne nous rapproche parfois d’exploitations agricoles,
lieux de résidence de groupes de pigeons. A l’approche du drone, ceux-ci vont prendre leur envol et
effectuer plusieurs norias autour de la machine, en guise d’intimidation. Les croisements avec la
trajectoire du drone risquent rapidement d’être très proches, les pigeons n’hésitant pas à le frôler,
allant même jusqu’à déclencher le système de détection et d’évitement des obstacles embarqué qui
jouera pleinement son rôle. Le déplacement d’air associé à leur vol en formation est très perceptible
pour un télépilote proche de la scène et permet ainsi de les suivre, tout ceci ne durera que quelques
instants. Le fait de ralentir la vitesse et s’éloigner du site suffit à clore l’évènement.
Faire profil bas
Les exemples d’interactions avec la faune sauvage relatés ci-dessus nous montrent que les
réactions des oiseaux font toujours suite à un dérangement dans leurs activités en cours et ils nous le
font savoir à leur manière. Il est donc important pour les télépilotes de mesurer dans un premier temps
l’impact que l’utilisation du drone peut générer sur la faune sauvage et dans un second temps, de
prendre les mesures nécessaires pour minimiser tout dérangement.
De même que l’on va interrompre notre vol au passage d’un Rafale de l’armée de l’air et de l’espace ou
de l’aéronavale pour admirer cette magnifique machine, lorsqu’un oiseau s’approche de notre drone,
il faut savoir ralentir voire s’arrêter afin de montrer toute absence d’hostilité à son égard. Ceci
permettra d’observer ses réactions avant et après le changement de trajectoire, de vitesse, …
Les oiseaux sont également dotés de facultés d’adaptation et peuvent parfois accepter notre présence
s’ils ne se sentent pas menacés.
En bref, il ne faut pas insister au risque d’aggraver la situation.
Fly safe !!
Sources :
[1] Guide « Usages de loisir et professionnels simplifiés des aéronefs sans équipage à bord – Catégorie
ouverte »
[2] Guide « Usage des aéronefs sans équipage à bord – Catégorie spécifique »
[1] Webinaire « Les vols de drones en espaces naturels » produit par la LPO, le Parc National des
Pyrénées et Clearance le 23 mars 2023